L’histoire se déroule à Milan et à Genève.Elle vous fait également voyager en Nouvelle-Zélande, Estonie et Mauritanie. Milan: Après deux ans d’amour et de complicité, Jon quitte Caterina, pour vivre avec une femme plus jeune. Un an plus tard, il revient. Les deux établissent une relation fragile. Un voyage en Nouvelle-Zélande, pays d’origine de Jon, semble les réunir dans une nouvelle harmonie. Or, un jour Jon disparaît. Genève: Amadeus tombe éperdument amoureux de Yolonda, fille énigmatique originaire d’Estonie, de trente ans sa cadette. Leur liaison est ponctuée de hauts et de bas jusqu’au jour où Yolonda le quitte. Amadeus est inconsolable. Mauritanie: Caterina et Amadeus se rencontrent lors d’une randonnée dans le désert. À côté de leurs vécus douloureux, ils se découvrent des traits de caractère communs. « La vie ne nous a pas épargnés. Pourtant, qu’elle peut être belle ! »
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PARTIE I
Caterina
1
Le coup de sonnette reste sans réponse. Il n’y a personne à la maison. Un regard sur sa montre confirme vingt heures quinze. Elle sort son porte-clefs aux allures de quincaillerie et s’attaque aux divers systèmes de fermeture de la porte de son appartement. Tourner la première clef deux fois à droite dans la serrure du bas, clic ; la seconde trois fois dans celle du haut, clic ; bien enfoncer la troisième dans celle du milieu et la faire pivoter délicatement deux fois à gauche, clic-clac.
Elle n’est pas seulement une workoholic pour rentrer si tard un vendredi soir, elle a aussi une peur bleue de tous les cambrioleurs qui sévissent à Milan. Elle est persuadée que c’est grâce à cette précaution de la porte « blindée » qu’elle n’a jamais eu la visite d’un voleur, depuis plus de vingt ans qu’elle habite via Dante au centre de la ville, à proximité du Château des Sforza, forteresse du 15e siècle hébergeant aujourd’hui plusieurs musées.
Il fait sombre dans l’appartement. On est en juillet, mais chaque matin elle ferme tous les stores avant de sortir. Une autre mesure pour se protéger contre les bandits urbains. En ouvrant les persiennes, les rayons du soleil couchant teintent la pièce d’orange. Elle s’étonne que Jon ne soit pas encore rentré. D’habitude il arrive vers 17 h 30 et s’il prévoit un retard, il a l’habitude de lui envoyer un texto.
Elle va à la cuisine et prépare un expresso bien serré tout en allumant une cigarette.
C’est étrange, pense-t-elle tandis qu’un sentiment d’inquiétude lui noue la gorge.
Elle décide de se changer d’abord, lance ses chaussures à talons dans un coin du couloir, se débarrasse de sa veste de tailleur. Jon viendra certainement sous peu. Elle soupire. Elle aura encore la tâche ingrate de lui faire comprendre qu’elle devra absolument travailler demain, samedi. Elle a amené son portable à la maison afin de terminer son rapport sur la nouvelle campagne d’image qu’elle présentera lundi matin à la direction. Elle occupe le poste de chargée de communication dans une multinationale américaine.
Caterina est une fashionista. Une pièce entière de son appartement fait office de vestiaire et ressemble aux coulisses d’une boutique de mode. Plusieurs étages de tringles avec des cintres bien habillés s’étirent jusque sous le plafond. Un amalgame de couleurs et de matières. Plus un centimètre de libre nulle part. Jersey, laine, lin, soie, coton, fourrure, cuir. Des vêtements qu’elle a acquis hier et d’autres qu’elle traîne depuis vingt-cinq ans. Elle n’arrive pas à s’en séparer. Elle achète ses sacs Louis Vuitton à New York où elle se rend fréquemment dans le cadre de son travail. Ils y sont moins chers qu’à Milan. Elle affectionne les grandes marques, mais ne boude pas non plus des noms plus populaires, tels que La Rinascente, Zara ou Desigual. Ce qui lui plaît finira immanquablement dans sa penderie. Certains articles ne verront plus jamais la lumière du jour.
J’ai bien envie de me chercher un appartement plus spacieux, pense-t-elle pour la énième fois. Elle reste indécise devant la profusion de tissus en se demandant quelle tenue choisir pour une soirée de cocooning. Elle opte finalement pour un pantalon confortable et une tunique extra large dans une matière fluide, le tout en vert. Sa couleur fétiche, apaisante, rafraîchissante, tonifiante même, qui symbolise pour elle harmonie et jeunesse. Elle pêche une paire de ballerines couleur anis parmi la cinquantaine de chaussures bien alignées.
Elle retourne dans l’entrée et extirpe son iPhone avec housse menthe à l’eau de la poche extérieure de son immense sac vert printemps.
Sous « favoris » elle tape Jon en tambourinant de sa main libre sur la commode. Sonnerie à l’autre bout. Encore et encore, puis le répondeur se met en marche :
… Bonjour… Vous êtes chez qui vous savez… Je suis où vous ne savez pas… Laissez ce que vous pensez après vous savez quoi… Je vous rappellerai… peut-être… ou pas… Bip.
Elle s’énerve. Il ne pourrait pas composer un message simple et clair comme tout le monde ?
— Où es-tu ? Rappelle-moi, dit-elle de manière laconique à la boîte vocale. Puis elle met son téléphone en charge, la batterie étant presque morte.
En passant à la cuisine, elle allume une autre cigarette. Son estomac gargouille. Il a seulement eu droit à un sandwich au salami et une salade mêlée à midi. Elle remplit un verre d’eau minérale et jette un regard dans le réfrigérateur. Légumes, fruits, tomates, jambon de Parme, œufs, et deux berlingots de muesli entre autres. Caterina ne sait pas faire la cuisine. C’est Jon qui est un as dans le domaine. II adore mijoter des petits et des grands plats, composés avec fantaisie et un dosage savant d’épices et d’herbes. Quand elle est seule, elle se nourrit de yogourt, céréales, café et cigarettes.
Vigoureusement elle referme la porte du réfrigérateur en sentant une colère monter le long de sa colonne vertébrale. Encore une cigarette avant de se rendre au salon. La lettre est posée sur la table basse devant le canapé vert, entre le cendrier et une boîte de pralinés. Elle la déplie furieusement.
Ma chère Caterina,
Je t’aime et je m’en vais. Parce que je n’en peux plus. Je suis fatigué de t’attendre tous les soirs. Las de jouer le deuxième violon dans ta vie, toujours après ton travail. Tu as adopté un rythme qui me pèse et que je n’ai plus envie de suivre.
J’ai rencontré une âme sœur, une femme tendre qui prend du temps pour moi, qui m’adore et aime sortir. Tu sais que j’ai besoin d’être valorisé et Rose sait écouter. Cela me fait du bien.
Malgré cela, laisse-moi te dire que je t’aime toujours et que j’ai longuement réfléchi. J’ai lutté avec moi-même avant de prendre la décision de te quitter, de changer de vie.J’ai juste emporté une petite valise et passerai la semaine prochaine pour chercher le reste de mes affaires.
On s’expliquera à ce moment-là. Je te demande pardon.
Jon
— Oh non ! Où sont mes cigarettes ?
— Rose ! Elle s’appelle Rose !
Une idée lui passe par la tête.
Cette garce ne fume certainement pas. Jon n’a jamais fumé !
Elle n’a rien vu venir et tout d’un coup voilà un autre désastre qui pointe le nez dans sa vie déjà assez compliquée.
2
Caterina connaissait Andrea depuis l’école primaire et ils sont allés ensemble jusqu’au baccalauréat. Dans la suite logique des choses, elle l’a épousé à l’âge de dix-huit ans. Tandis qu’il entamait des études de médecine, elle commençait un travail de secrétaire dans une multinationale américaine. En parallèle elle suivait un cours de comptabilité. L’année où Andrea reçut son diplôme, Caterina réalisait qu’il la trompait. Ils ont divorcé. Elle avait vingt-quatre ans.
Maintenant elle en a cinquante-trois. Toujours dans la même multinationale, elle assume aujourd’hui un poste de cadre. Mignonne à l’époque, elle est belle à présent. N’empêche, cela fait presque trente ans qu’elle est à la recherche de l’amour véritable, sans grand succès. Quelques aventures ont pimenté sa vie au cours de rencontres professionnelles ou dans le cercle de ses amis. Elles ont, sans exception, laissé un goût amer. Caterina est intelligente, vive et communicative, indépendante, généreuse. Un peu maniaque, il faut l’avouer, et pas toujours facile à vivre.
Il y a quatre ans, elle a rencontré Jon, originaire de Nouvelle-Zélande, Maori du côté de sa mère, anglais par son père. Grand et mince, aux yeux bleu océan, il a la peau mate et les cheveux poivre et sel. A handsome guy, aux yeux de Caterina — elle adore parler anglais avec lui. Ses gestes sont doux, le langage soigné et il affiche une sensibilité féminine. Il ne se met que rarement en colère. Cependant quand cela lui arrive, il est redoutable. Professeur d’anglais à l’université, à l’approche de la soixantaine, il est doté d’un humour so british, rafraîchissant, mordant parfois. Souvent il fait rire Caterina.
Il a d’autres talents. À côté de la cuisine, il excelle dans le bricolage artistique et la couture, deux domaines que Caterina n’a jamais affectionnés. Dernièrement il lui a créé une immense besace en patchwork, utilisant un tissus d’ameublement, sur lequel il a brodé son diminutif : Cat ! Caterina se balade toujours avec un ou deux énormes sacs sur l’épaule. Voilà une de ses manies : il y a tellement de choses qu’elle doit impérativement avoir sur elle. Deux porte-monnaie, un étui avec des cartes de crédit, une grande brosse à cheveux, deux trousseaux de clefs, des mouchoirs en papier, de la crème et du désinfectant pour les mains, des lunettes de lecture et de soleil, un téléphone et un iPad, un livre, la trousse de maquillage, une brosse à dents et du dentifrice, une petite laine, un éventail ou un parapluie selon le temps, un gri-gri en forme d’attrape-rêve indien qu’elle a rapporté des États-Unis. Son sac est sa deuxième maison.