Résumé
Lors d’une rencontre fortuite, nous nous mîmes à rêver: Immensité des étendues sauvages. Steppes sans fin. Pistes cahoteuses. Ciel dramatique. Désert caillouteux. Silence parlant. Troupeau de moutons, chèvres, yaks et chameaux. Aigles et marmottes. Lacs. Volcans. Yourtes. La vie nomade. Pendant deux mois, nous avons parcouru une partie du pays. Sous la pluie, au vent et au soleil, nos pieds ont foulé la prairie, le sable, des champs d’edelweiss, des terres chargées d’histoire. Côté cœur, il y avait des moments d’amitié, de fous rires, de petites galères. De magnifiques rencontres ont coloré des jours gris. Une semaine dans une famille nomade, une autre dans un orphelinat nous ont appris à être patients, curieux, indulgents et… heureux. Le rêve a pris forme. Je vous embarque ?
CHF20.00
ULB - C'est où ?
5 juin Après le self check-in à l’aéroport de Genève nous nous présentons au guichet pour enregistrer nos bagages, deux grands sacs à dos.
L’hôtesse regarde nos billets et son visage devient un point d’interrogation.
- ULB ? Je n'ai jamais vu cette destination, c'est où ?
- Ulaanbaatar, la capitale de la Mongolie.
- Ah !
L’hôtesse est jeune et n’a peut-être pas encore beaucoup d’expérience. D’autre part, Ulaanbaatar n’est pas Tokyo ou Bangkok : il ne doit pas y avoir beaucoup de voyageurs en partance pour l'ex-empire de Gengis Khan.
D'abord Francfort, ensuite Beijing. Il est cinq heures du matin. Avant l’atterrissage nous n’apercevons rien qu’un smog dense qui couvre toute la région. L'aéroport est grand, très moderne et très vide. Trois heures d'attente et deux autres heures de vol nous amènent au petit aéroport d'Ulaanbaatar assez basique pour une capitale.
Nyamtsetseg - appelez-moi Tseegii ! - et Chimdee, nos guide et chauffeur nous attendent avec nos noms inscrits sur un petit panneau. Une heure de repos à l'hôtel Bayangol, puis visite du Musée d'histoire. Nous sommes encore un peu sonnés et la ville ne nous apparaît pas belle, un chaos de bâtiments avec une prédominance du style communiste, un mélange de délabrement, de chantiers et quelques gratte-ciel, certains plutôt modernes.
Dîner mongol avec potage sans goût, boots (raviolis remplis de viande), nouilles, légumes et une glace aux baies rouges.
Dormir dans une yourte
7 juin La route goudronnée qui part de la capitale vers l’ouest est très mauvaise, les trous sont impressionnants. Quand il n'y a plus d'asphalte, on a trois à cinq pistes au choix. L'une plus cahoteuse que l'autre.
Première nuit dans le camp de yourtes Dugana Khad. Première leçon : Les Mongols n’aiment pas particulièrement l’étiquetage russe de leur habitation. La yourte s’appelle ger en mongol. N’empêche. Je continuerai à appeler ce ger yourte. Le son du mot yourte est arrondi. Il évoque dans ma tête cet ovni rond posé au milieu de nulle part, beige ou blanc avec une tache bleu ou rouge pour porte. Cette chose étrange qui ressemble de loin à un petit chapiteau duquel s’échappe parfois un mince filet de fumée. Qui s’accroupit dans un terrain vaste et t’accueille comme une matrice. Yourte … cela a le son de stabilité et fragilité, isolement et rapprochement. Le mot ger, prononcé guer, par contre me fait penser à la guerre ou ne…guère. Ni l’un ni l’autre ne sont beaux. Ni l’un ni l’autre n'expriment la générosité, la joie ou la luminosité. Alors va pour yourte, même si Tseegii essaye de me faire changer d’idée. Je la fais rigoler avec mes explications.
Après une balade autour d'un grand rocher sacré dominant la steppe plate, la fin de l’après midi approche, le ciel s’assombrit. Eclairs et tonnerre très lointains, l’orage qui ne nous touchera pas ce soir nous offre un magnifique spectacle. Le plus bel arc-en-ciel que j’aie jamais observé : au premier plan les yourtes blanches bien alignées devant la silhouette noire et ramassée de la montagne sacrée. Ce tableau à la beauté menaçante est couronné par un demi-cercle parfait de rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo et violet dans un ciel de velours gris foncé. Un cadeau de la nature.
Je dors mal, un groupe de jeunes fait la fête jusqu'après minuit. Il fait très froid et au cours de la nuit nous ajoutons à notre pyjama deux pulls, une doudoune à capuche et des chaussettes. Le poêle dans la yourte chauffe bien mais le feu n’est pas alimenté pendant la nuit et la température chute vite. Par contre quelques bûches tôt le matin nous gratifient d'un réveil agréable.
Pendant la journée les températures sont agréables et nous visitons le monastère d’Amarbayasgalant appelé aussi le « monastère de la félicité tranquille » l’un des trois plus grands centres du bouddhisme tibétain de Mongolie.
Notre deuxième nuit en yourte s’avère de nouveau glaciale. Le lendemain nous aurons un long voyage.
Le Shagai, jeu des osselets
10 juin Erdenet, capitale de la province d’Orkhon, est le centre économique et industriel du pays. La ville a été construite pendant l’époque soviétique afin d’explorer des gisements de cuivre : les plus grands du monde, à ciel ouvert.
A travers les champs de blé qui suivent les mines nous poursuivons notre route par des pistes difficiles : la steppe, un peu de taïga, des collines douces, l'éternel vent. Les jours précédents nous avons piqueniqué, aujourd'hui nous prenons le lunch dans une hutte, restaurant couleur locale. La tenancière nous accueille avec un large sourire. Le thé au lait salé est spécialement bon. Les nouilles aux légumes aussi.
Sur chaque table un jeu. Le jeu national Shagai. Il se compose de quatre osselets de mouton nettoyés et polis, dont chacun des quatre côtés représente un animal : le cheval, le mouton, le chameau et la chèvre. A côté d’une foule de variations du jeu, il y a celui de la bonne fortune, dans lequel chaque animal revêt une valeur différente :
Le cheval est ce que l'on peut avoir de mieux
Le chameau exauce tous les vœux
Le mouton promet le bonheur éternel
La chèvre n'aide qu'à sauter quelques obstacles
Le meilleur score, c’est quatre chevaux.
Chimdee et Tseegii nous expliquent les règles et nous jouons en attendant nos nouilles. Au deuxième essai, Chimdee réussit quatre chevaux ! La chance, le doigt dans le nez Le veinard ! Il a peut-être un truc… Moi je n’y réussis pas, ni ce jour-là ni plus tard. Pourtant ce n’est pas faute d'avoir essayé ! Tant pis, même sans cela j’ai toujours la chance dans la vie !
Où que vous alliez en Mongolie, à un moment ou à un autre vous tombez sur des gens, grands ou petits, jeunes ou vieux, jouant aux osselets.
Nous passons de belles régions fleuries et quelques forêts, deux volcans éteints, traversons une rivière et après trois heures sans rencontrer personne hormis deux hommes à cheval gardant de grands troupeaux de moutons et de chèvres, nous atteignons un haut-plateau et un camp de six yourtes. Au loin une trentaine de chevaux galopent devant le panorama éblouissant du soleil couchant. Tout seuls, sans gardien.
Il fait chaud dans la journée et pour la nuit au Moilt Ecolodge à Bulgan nous n'avons plus besoin de vêtements supplémentaires. Plus du feu non plus.
Le propriétaire Byambaa est un bon copain de notre chauffeur Chimdee et comme nous allons l'apprendre plus tard, ce dernier a des copains - surtout des copines ! - partout où nous passerons.
Le lendemain nous allons voir quelques peintures rupestres sur les rochers près de la rivière. Ensuite nous passons un petit moment dans une famille nomade et assistons à la tonte des moutons dans un enclos. La laine forme partout des grand tas.
L’après-midi nous descendons à la rivière. Le pré sent bon le thym et les edelweiss commencent à s'ouvrir. Nous nous offrons une baignade en compagnie d'un couple de paysans suisses, Ruth et Hans, qui résident également dans l’Ecolodge. Ils nous surprennent par leur goût prononcé pour les voyages : Lors de nos divers périples nous n’avions jamais rencontré de tels paysans aventuriers. Après le repas la journée se termine avec un concours de tir à l'arc, un des sports favoris des mongols. Ma performance est nulle ! Nos amis agriculteurs s’en tirent nettement mieux !
Au secours d'une vachette
11 juin Huit heures pour 230 kilomètres dont les 50 derniers sur une route asphaltée toute neuve en excellent état avant d’arriver à Mörön. Auparavant les pistes zigzaguaient autour des collines en partie boisées, en partie steppe avec de beaux prés fleuris de jaune, de blanc et de violet. Nous croisons une vache qui venait de mettre bas. Encore tout mouillé, le petit veau est couché et n'arrive pas à se lever seul. Chimdee arrête la voiture, ouvre le coffre et sort sa sacoche de voyage. Elle ne doit pas peser plus de deux kilos. Un pantalon et une chemise de rechange, peut-être un deuxième caleçon, un training et une trousse de toilette minimaliste – c’est tout son bagage pour cinq semaines. Il en sort une paire de gants en latex qu’il enfile pour attraper le petit veau et le mettre debout sur ses pattes. L’animal vacille un peu mais tient bon. Maintenant il peut atteindre les mamelles de sa maman et boire la vie. Sans cela, il aurait péri en peu de temps sous le vent froid et cinglant de la steppe.
Nous longeons plusieurs lacs, quelques rivières et un large fleuve que nous traversons sur un pont flottant, avec un poste de péage. De l’autre côté, deux policiers nous arrêtent. Contrôle. Il faut montrer les papiers de la voiture, tous les passeports et expliquer la raison de notre voyage. Après vingt minutes de palabres et deux coups de téléphone, les policiers nous laissent passer. La raison de cette procédure reste un mystère.
L’image d’approche d’une ville est toujours la même. Un joyeux méli-mélo de toits rouges, bleus, orange et verts, entrecoupé de larges artères de sable dont les maisons sont souvent séparées par une palissade en bois.
Mörön, la capitale de la province Khövsgöl compte environ 40'000 habitants et de nombreuses routes asphaltées. Nous dormons exceptionnellement dans un hôtel qui s’appelle « 50'000 + 100'000 ». Le nom nous intrigue. Voici l’explication : Mörön est située sur le 50ème degré de latitude et le 100ème de longitude. La chambre est belle, la salle de bain bien équipée. La douche coule au goutte-à-goutte, le sèche-cheveux par contre fonctionne à merveille. Le Wifi aussi. Le repas est bon. Nous nous mettons en route pour acheter quelques cartes postales que l’on trouve uniquement à la poste, ainsi que des timbres.