Gisela Raeber

Le gecko qui aime danser

Au Cambodge, comme dans beaucoup de pays du Sud-Est asiatique, le gecko maison est un ami bienvenu dans la plupart des maisons car il y est très utile. Il se nourrit d’insectes, de mouches et de moustiques. D’une vitesse époustouflant il court de préférence sur les murs et au plafond, d’où il vous regarde timidement. Ce petit lézard sait dire son nom car son petit cri sonne « gecko, gecko ». S’il le pousse sept fois de suite, il est considéré comme porte-bonheur. Personne n’aurait jamais l’idée de le chasser de la maison.

Nous avons vécu huit mois à Phnom Penh et une belle douzaine de geckos animaient en permanence notre terrasse. J’ai alors inventé pour mes petits enfants l’aventure d’un gecko qui s’était entiché d’une danseuse :

Plusieurs geckos vivent dans la maison de la jeune danseuse Sarapa au bord du Mékong à Phnom Penh. Parmi eux il y en a un qui adore la regarder lorsqu’elle s’entraîne à la danse Apsara, art traditionnel khmer. « Comme elle est jolie, se dit-il, et elle danse si bien. J’aimerais beaucoup lui ressembler. Il est vrai que je suis aussi gracieux qu’elle (il n’est pas gonflé !) mais il me faudrait un beau costume pour pouvoir danser. Je suis tout gris, c’est triste. » Sans se lasser il regarde Sarapa exécuter ses mouvements amples et lents tout en harmonie et douceur. Comme elle sait bouger ses mains et ses pieds avec finesse ! Le gecko fait quelques pas de danse au plafond. La jeune fille le voit et lui sourit. « Tu fais de la gymnastique, mon petit ami ? » lui demande-t-elle. « Mais non, mais non, dit le petit gecko, je m’exerce. Je veux savoir danser comme toi ». Il tourne sur lui-même, lève une patte et recourbe un doigt vers l’arrière comme Sarapa sait si bien le faire. La jeune fille rit. « C’est pas mal, mon ami. Mais tu vas un peu trop vite. Regarde ! » Pieds nus, elle se déplace lentement, tourne doucement la tête, baisse son regard doux et rejoint les paumes des mains devant sa poitrine.

Le gecko l’observe de ses grands yeux. « Pas sorcier ! Faut que j’y arrive, se dit-il. Allez un petit effort ». Il essaye de rejoindre ses deux pattes de devant…. Et plouf, il tombe du plafond. Tout droit devant les pieds de Sarapa. « Oh, mon pauvre chéri, tu ne t’es pas fait mal ? »

« Oh, ça va, ça va, gémit le gecko, c’est normal que je n’arrive pas. Je m’exerce pourtant déjà depuis quelques jours mais comment veux-tu que je réussisse sans un beau costume comme le tien. Des couleurs chatoyantes et de l’or. Voilà le secret de ton art. »

Sarapa fronce les sourcils et réfléchit. Puis son regard s’illumine et elle lui sourit. « Attends-moi un petit instant mais reste bien là, ne t’en vas pas au plafond. »

Elle disparaît et revient deux minutes pus tard avec un pinceaux et une palette de couleurs : du rouge, du bleu, du vert et du blanc.

« N’aie pas peur, dit-elle au gecko, viens vers moi, je vais te faire un costume d’Apsara et tu seras le plus beau gecko de toute le ville, de tout le Cambodge. » Sarapa s’assied par terre et lui tend la main. Le gecko la regarde, il hésite un peu mais Sarapa a l’air si gentille et il la connaît depuis longtemps. Alors doucement il s’approche. Elle le prend dans sa main et le pose sur ses genoux. « Reste bien tranquille, je te fais un costume sur mesure. »

Elle prend son pinceau et commence à lui dessiner des traits, des ronds, des arabesques et des pointillés sur son petit corps gris. Ça chatouille un peu mais le gecko a tellement envie d’être beau qu’il évite surtout de bouger.

Ensuite elle lui maquille les yeux avec du khôl noir et une petite fleur de lotus derrière l’oreille. « Voilà qui est bien pour un début ! » dit Sarapa et le regarde avec tendresse. « On laissera la coiffe dorée et les bijoux pour plus tard. » Elle lui tend un petit miroir « Tu es magnifique. A partir d’aujourd’hui tu es mon petit frère et je vais t’appeler Pasara. Regarde toi ! »

« C’est vrai, je suis le plus beau gecko du monde ! Et je saurai danser comme toi ! » s’exclame le gecko en se trémoussant devant le miroir. « Merci, merci mille fois, belle Sarapa. Je suis ton frère Pasara. Oui. Ah, quel bonheur ! Mets la musique ! Gecko, gecko, gecko, gecko, gecko, gecko, gecko !

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