Gisela Raeber

La balançoire

Déjà au temps très très lointain quand notre planète s’appelait encore Emeraude, les enfants aimaient jouer et s’amuser. A cette époque il n’y avait pas de jouets mais d’énormes balançoires dans les arbres, qui étaient verts émeraude et beaucoup plus hauts que ceux que vous connaissez aujourd’hui. Ces escarpolettes étaient le passe-temps favori de tous les enfants.

Lunesco, un petit garçon espiègle, était de loin le meilleur, le plus hardi aussi. Il allait haut et toujours plus haut. Il aurait aimé voler. Alors un jour qu’il était à nouveau bien plus haut que ses camarades, il se projeta dans l’air et fut attrapé par le vent qui le fit pirouetter, monter et virevolter avant de le déposer comme une plume sur un nuage. Ah, ce que c’était magnifique. Il regarda la planète Emeraude, ses camarades pointèrent vers lui, ils rirent et crièrent. Toute la journée Lunesco s’émerveilla à contempler les forêts, les rivières, les montagnes, la mer, les falaises et les petits villages aussi. Il n’y avait pas encore de villes, ni de routes, ni de voitures.

Mais le soir venu, Lunesco ressentit une grande fringale et quand le soleil tomba dans la mer, il frissonna. Il décida de retourner en bas pour retrouver ses parents, son lit et un bon petit repas. « Ramène-moi chez moi » demanda-t-il au vent.

Sa maman lui fit un doux baiser. « Tu es trop téméraire, mon Luno, soupira-t-elle, un chenapan, un vrai petit aventurier. Ne me fais plus jamais ça, petit loup, j’ai eu tellement peur pour toi » et elle lui prépara une belle omelette.

Tout en avalant son plat préféré, le garçon, les yeux brillants, lui raconta toutes les choses merveilleuses qu’il avait vues depuis son nuage. Puis il s’endormit toujours avec cet immense sourire sur sa frimousse. De quoi pouvait-il bien rêver?

Le lendemain Lunesco grimpa sur sa balançoire. « Juste un petit peu, maman » chuchota-t-il, même que sa maman ne le vit pas, elle était partie dans la forêt pour ramasser des baies. Il se berça doucement, puis donna un petit coup et un autre plus vigoureux pour aller plus fort à toute volée. Il se sentit léger, tellement léger qu’il voulut essayer de voler encore une fois. Juste une fois !

La balançoire faisait son aller-retour, devint plus lente, brimbalait, swinguait doucement et finalement s’immobilisait. Plus de Lunesco.

Ses camarades le virent monter dans le ciel. Devenant toujours plus petit il ne s’arrêta pas sur le nuage mais continua plus loin. Il ne fut plus qu’un petit point puis disparut.

Sa maman était revenue de la forêt et personne n’osait lui dire que son petit garçon avait disparu. Mais le soir, quand tout le monde regardait la lune qui montait dans le ciel, cette lune qui avait toujours été lisse et brillante, ils y reconnurent le visage de Lunesco. Ils le voyaient rire, donc il devait être heureux.

Une année plus tard, par étoile filante interposée, Ludo invita sa maman sur la lune. Après de longues hésitations seulement, elle se décida d’utiliser la balançoire pour son départ. La maman est restée loin d’Emeraude pendant une année entière et quand un jour elle est revenue, elle était plus belle qu’avant. Ses yeux brillaient, son regard était lumineux et sa démarche gracieuse. Elle avait quelque chose de surnaturel, quelque chose d’ailleurs…. Les gens l’appelaient alors « Soleil ». Elle ne parlait à personne de son séjour lunaire mais pour le reste de sa vie ce grand sourire qu’ont seulement les gens heureux n’a jamais quitté son visage.

Vous avez certainement déjà aperçu Lunesco un soir de plaine lune. Et si plus tard les hommes sont allés sur la lune sous prétexte d’explorer cette petite planète, dites-vous bien qu’en réalité ils cherchent tous ce petit garçon téméraire. Or, le coquin se cache et il s’est probablement construit une magnifique balançoire depuis bien longtemps.

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