Une histoire poivrée

La route rouge et poussiéreuse nous fait traverser de petits villages aux maisons sur pilotis disséminées autour d'une petite pagode, de rizières et de champs de canne à sucre. Notre tuk-tuk longe un grand plan d’eau, le Lac Secret qui n’a rien de secret et passe devant plusieurs tombeaux chinois.

fullsizeoutput_3b56Tuk-tuk-tuk-tuk

fullsizeoutput_3b2bLe riz est presque mûr, la récolte se fera en novembre, au Cambodge il n'y a qu'une seule récolte par année car il manque un système d'irrigation efficace durant la saison sèche.

fullsizeoutput_3b58Un tombeau chinois gardé par une vache.

fullsizeoutput_3cf3Le Lac Secret

fullsizeoutput_3d45La route rouge, mon amie Caterina et notre tuk-tuk

Arrivées à la plantation de poivre, nous sommes assoiffées et heureuses de siroter l’eau de coco à l’aide d’une paille introduite directement au cœur de la noix de coco verte et fraîche. Chaque noix de coco contient environ un demi-litre de ce délicieux liquide, parfumé et désaltérant, qu'il ne faut pas confondre avec le lait de coco produit de la chair.

Ensuite nous sommes prêtes à écouter les explications sur le poivre, cette épice bien connue depuis l’Antiquité.

Originaire de la forêt du Kerala, au sud de l’Inde, la plante s'est répandue dans les autres régions tropicales du monde. En botanique le poivre appartient à la famille des pipéracées et le nom scientifique est Piper Nigrum. C’est une liane vivace et grimpante qui nécessite un arbre comme support ou un poteau, afin de croître en hauteur. Le poivrier commence à produire des baies rondes à partir de la 3ème ou 4ème année de plantation. La baie de poivre se présente en grappes, les grains mesurent environ 5 mm de diamêtre.

Le poivre de Kampot  doit sa saveur particulière à son terroir propice et à une production exclusivement biologique.

La culture du poivre au Cambodge est relativement ancienne. On en retrouve des traces dans le XIIème siècle lorsque l’Empire Khmer s’étendait sur une grande partie de l’Asie du Sud-Est.

Les plantations dans la région de Kampot et de Kep se sont développées à la fin du XIXème siècle.  Après une rapide croissance favorisée par les autorités coloniales françaises,  la production a stagné, essentiellement à cause de l'inconstance de la politique du protectorat qui a tenté de limiter l'exportation à la métropole.

La plus grande menace est intervenue en 1975, lorsque le pays a basculé dans la terreur khmère rouge.  Les terrains étaient alors reconvertis en rizières et il s'en est fallu de peu que la culture poivrière ne disparaisse. Néanmoins, grâce à l'obstination de quelques familles d'anciens planteurs, le poivre cambodgien retrouve peu à peu ses lettres de noblesse.

À présent, grâce à l'aide de coopératives, d'un séchage et d'un tri des grains de qualité, il reconquiert sa réputation.

C'est le premier produit agricole cambodgien à recevoir une IGP (indication géographique protégée), qui lui a été délivrée en 2010. Cette indication géographique lui permet de bénéficier d’un label protégé dans les pays reconnaissant cette indication, l'Union européenne notamment. Cette décision et les efforts locaux devraient permettre une renaissance de sa culture.

Sous le nom protégé « Poivre de Kampot » le poivre d'ici se place parmi les meilleurs du monde. En 2017 la production  du véritable poivre de Kampot devrait atteindre 100 tonnes.

fullsizeoutput_3b47Les grappes du jeune poivre vert.

fullsizeoutput_3b49Les lianes du poivre s'attachent autour de tuteurs et peuvent atteindre quatre mètres de hauteur.

fullsizeoutput_3cf7Chaque champ de poivre est entouré d'une protection de feuilles de palmiers. Au premier plan des jeunes pousses de durian, ce gros fruit à piquants au parfum nauséabond mais plein de vitamines.

fullsizeoutput_3cf8Premiers achats, ce n'est pas tout. Je veux des réserves de poivre de Kampot pour les années à venir....

Les variétés de poivre

Les baies de poivre sont toutes issues de la même plante mais cueillies ou traitées à différents stades de maturité. Comme le vin, un bon poivre ne doit pas se mélanger (il n’est pas concevable de verser du vin rouge et blanc dans le même verre).

Le vert. La récolte du poivre vert débute à partir du mois d’octobre, lorsqu’il est encore jeune et tendre. Lors d’une cueillette en décembre juste avant maturité, il possède un goût épicé plus prononcé. Récolté jeune sur la liane, ses arômes explosent littéralement en bouche du fait d’un piquant peu prononcé.

Le noir. Le poivre noir n’est autre que du poivre vert qui une fois arraché devient noir par un procédé d’oxydation naturelle. Il a cependant eu le temps de développer des arômes forts et délicats. Son goût très intense et doux à la fois révèle des notes fleuries d’eucalyptus et de menthe fraîche.

Le rouge. Le poivre auquel on a laissé le temps de prendre en maturité (et dans des conditions d'ensoleillement suffisant) prend une couleur rouge, il est alors cueilli en mars à la main et mis à sécher huit jours. Les arômes du fruit viennent enrober le piquant du poivre et amener des saveurs qui se marient très bien à la viande rouge.

Le blanc. Le poivre blanc est en réalité des grains de poivre rouge séché auxquels on retire la peau  (à la main!) pour faire apparaître le cœur blanc. Son côté piquant relève les salades et les fruits de mer.

Et le prix?

En bouche il évoque la guimauve et la puissance se développe longuement. Son prix de vente en Suisse vacille entre 180 et 250 CHF le kilo. Chez le producteur à Kep le kilo coûte à présent entre CHF 30 et 50.

Publicité trouvée sur un site Suisse:  "Un poivre très élégant avec des notes sucrées, envoûtantes, légèrement florales".

Je suis entièrement d'accord. Rien ne vaut le poivre de Kampot!

0 réponse à “Une histoire poivrée”

  1. de Béatrice dit :

    Tu mets du piquant dans ta vie, magnifique.
    Merci pour ton partage .

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