Le buffle sous-marin

Une aventure inattendue de Gisela et Yves

Le chemin rouge nous mène à travers les rizières qui virent du vert tendre au jaune orangé. Les épis se dressent fièrement. Le riz est bientôt mûr. Notre tuk-tuk roule derrière une camionnette sans aucune chance de pouvoir la dépasser. Nous nous arrêtons près d'une pagode. La pagode n'est pas simplement un écrin de spiritualité mais un lieu de vie. Le bâtiment allongé d'une école occupe une place importante dans l'enceinte. Des centaines d'enfants se bousculent et rient en sortant de classe.

C'est la récré. Des filles et des garçons dans leur uniforme scolaire bleu et blanc. Ils ont entre six et douze ans. Le vendeur de glace à l'eau retrouve sa petite clientèle. Des garçons se regroupent autour de deux jardiniers qui ont abattu un arbre  et en coupent les branches. A côté, quelques stupas se dressent fièrement, des mausolées de moines ou de personnalités importantes. Les gamins nous entourent avec des "hello, hello". Il y a même un "I love you" qui fuse. Ils adorent se faire prendre en photo.

Les moines ont suspendu leurs habits de couleur safran pour sécher. D'autres méditent ou se prélassent dans un hamac.

Nous continuons notre route, sans camionnette cette fois-ci et mettons encore une demi-heure jusqu'à la plantation de poivre. Une belle vieille bâtisse, initialement un dortoir de moines, que le propriétaire avait démontée et recomposée à l'identique.

Pourquoi le propriétaire belge nous accoste parmi tous les clients qu'il y a ce matin? Parce que nous avons l'air sympathiques, nous dit-il plus tard en riant. Nous sommes venus pour visiter la plantation, pour acheter aussi un peu de poivre, surtout le vert fermenté au sel nous intéresse. Une préparation inattendue que nous avons dégustée l'autre soir avec des crackers chez Sam au "Waterfront" à Kep.

Voilà que Guy, c'est le nom du propriétaire, nous propose un tour en char à buffle d'eau, à travers les rizières et les champs de manguiers jusqu'au Lac secret. "Je fais cette balade presque tous les jours", nous dit-il, "c'est ma récré". Nous avons tout le temps du monde et une telle proposition inattendue ne se refuse pas.

Les deux buffles - le plus gros au nom d’Akon pèse 400 kilos - avancent docilement en suivant deux sillons que les roues du char ont creusés dans la terre marécageuse. Le silence paradisiaque est seulement animé par le fort soufflement des bêtes. Non, il y a aussi le chant des oiseaux et le susurrement des libellules. Le monde se compose de deux couleurs: le vert tendre et juteux des rizières  et le bleu légèrement moutonné du ciel. Deux ibis s'élèvent dans les airs.

Après vingt minutes nous atteignons le lac. Il est très peu profond ici et couvert de nénuphars. Les buffles se lancent dans l'eau. C'est leur récompense. Ils avancent, s'enfoncent  jusqu'aux flancs. On sent leur bonheur. Ils agitent leurs queues, nous giclent de quelques gouttes, mettent la tête dans l'eau. Et le plus petit ne veut même plus sortir. Il fait le sous-marin, nous dit Guy, il adore ça.

Le fond de la carriole est maintenant sous l'eau et nous mettons nos pieds sur la banquette, tout en suivant le spectacle.

Merci, Guy, merci la vie, pour ce moment exceptionnel.

La pagode et ses stupas

fullsizeoutput_424b

fullsizeoutput_4249

fullsizeoutput_41b1

Les filles mangent une glace, les garçons sont intéressés par la grosse scie du bûcheron.

fullsizeoutput_41ca

fullsizeoutput_41cd

Le bâtiment principal de la plantation de poivre, anciennement un dortoir de moines.

fullsizeoutput_4232

En route, Guy achète quelques mangues dans le champ.

fullsizeoutput_423c

fullsizeoutput_4250

fullsizeoutput_420f

fullsizeoutput_4208

fullsizeoutput_41f6

fullsizeoutput_41f5

A gauche le buffle sous-marin... 

fullsizeoutput_41f3

fullsizeoutput_41f4

et la libellule nous surveille ...

fullsizeoutput_423d

 

 

Une journée comme une autre

Etant à Kep pour trois mois, nous avons pris nos marques et nos habitudes...

Ce matin petit déjeuner à 8 heures. Ensuite Edgard fait deux-trois téléphones à Phom Penh pour le travail, répond à quelques mails, élabore une to-do-liste. Je vais à la piscine. Ah, ce que cela fait du bien de nager tous les jours. Ensuite, sous le parasol je me penche sur mon dernier Leonardo Padura qui m'emmène à Cuba, interrompu d'une discussion avec un couple allemand qui veux visiter une plantation de poivre.

Quelques bananes et un yogourt en guise de lunch. Puis nous explorons les environs. A moto. Aujourd'hui nous prenons une route de gravier rouge, large et vide qui longe la mer sur de nombreux kilomètres, direction Vietnam.  De temps en temps une moto chargée de marchandises, un camion aussi, puis des vaches, des canards et des chèvres. On se pose la question pourquoi la taille de la route est équivalante à trois pistes. La route principale qui joint le Vietnam se déploie en parallèle, à un ou deux kilomètres à l'intérieur des terres.

Ici c'est le domaine des pêcheurs de Kep. L'eau est très peu profonde et propice aux crabes, crevettes, langoustines, calamars, poulpes et autres fruits de mer. Bien sûr il y a aussi des quantités de poissons. On trouve tout cela sur le marché aux crabes de Kep.

A droite la mer, à gauche des marécages, des mangroves, des rizières, des petits villages, de temps en temps une école et même un jardin d'enfants, des salines ou du terrain vague.

De retour dans notre bungalow luxueux, une petite sieste climatisée. Il fait toujours très chaud dehors. Puis je transfère mes photos sur l'ordi et m'occupe de mon blog. Ensuite c'est le moment de l'apéro et du dîner. Ce soir au "Holy Crab" à côté du marché aux crabes. Cela s'impose!

fullsizeoutput_40b2Une route de luxe très peu pratiquée!

fullsizeoutput_4095

fullsizeoutput_40b0Pourtant il y a du terrain à vendre.

fullsizeoutput_408c

fullsizeoutput_4083

fullsizeoutput_4086

fullsizeoutput_408a

fullsizeoutput_4087Même les bateaux de pêche ont leur petit autel, leur porte-bonheur.

fullsizeoutput_4077

fullsizeoutput_407dLes épaves ne manquent pas non plus.

fullsizeoutput_4081

fullsizeoutput_407f

fullsizeoutput_40afUn pêcheur de petits fruits de mer. Je vous disais que l'eau est peu profondes. Au premier plan de tout jeunes palétuviers.

fullsizeoutput_40acOn a pris une bière dans une gargote vraiment très local!

fullsizeoutput_40aa

fullsizeoutput_40a7

fullsizeoutput_408e

fullsizeoutput_4091

fullsizeoutput_4096

fullsizeoutput_409d

fullsizeoutput_40b1Le riz et les salines.

fullsizeoutput_409e

Et puis bonne nuit!

 

 

Kep en effervescence

Pour le Festival des Eaux à Phnom Penh les Cambodgiens des provinces envahissent la capitale. Quatre jours de congé. Dans une ambiance de carnaval, 400 bateaux à rames concourent sur le Tonle Sap, certains avec 90 rameurs. Chacune des vingt-cinq provinces envoie ses bateaux et leurs supporters. Un spectacle grandiose.

C'est aussi le moment quand le Mékong et le Tonle Sap inversent leur courant. Si pendant la saison des pluies le Mékong a fait remonter ses eaux dans le Tonle Sap et fait s'élargir le lac au bout du fleuve, c'est maintenant au début de la saison sèche que le Tonle Sap retourne dans le Mékong. Un phénomène unique au monde.

Pendant ce temps Kep, ville endormie au bord de la mer, se réveille, bondée de Phnom Penhois qui  fuient leur ville pendant ces jours de folie.

Chaque mètre carré au bord de l'eau est occupé. Les gens piqueniquent, boivent, font la fête et s'amusent dans l'eau. Les stands ambulants de nourriture, de boissons, de jouets peuplent la rue, voitures et motos circulent au ralenti.

Mais les photos disent plus que mille mots. Alors voilà. Il y a beaucoup d'images! Et c'est une vraie explosion de couleurs.

En préambule une image de la plage avant l'invasion.fullsizeoutput_3fc7

Et aujourd'huifullsizeoutput_3fdf

fullsizeoutput_3fec

fullsizeoutput_4008

fullsizeoutput_3fdb

fullsizeoutput_3fe2

fullsizeoutput_3fe9

fullsizeoutput_4010.jpeg

fullsizeoutput_3fe4

fullsizeoutput_3fea

fullsizeoutput_3ff8

Et puis "la Beach Promenade"

fullsizeoutput_4013fullsizeoutput_4015

fullsizeoutput_401b

fullsizeoutput_4027

fullsizeoutput_4031

fullsizeoutput_4039

fullsizeoutput_403e

IMG_2806

IMG_2797

fullsizeoutput_404c

IMG_2793fullsizeoutput_404f

fullsizeoutput_4051

Un peu trop grasse, la galette aux crevettes!fullsizeoutput_4005

 

 

Les Temples d'Angkor

« Le cœur et l’âme du Cambodge » dit le Lonely Planet. « La fusion parfaite d’une ambition créative et d’une dévotion spirituelle. »

Le royaume Khmer dura du IXe au XVe siècle. À son apogée il domina une large frange de l'Asie du Sud-Est continentale, de la Birmanie à l'ouest au Vietnam à l'est. Sa capitale, Angkor, ne comptait pas moins de 750 000 habitants et couvrait une superficie d'environ 1 000 km2. Angkor a connu l'un des effondrements les plus spectaculaires de tous les temps. A l’exception du temple principal, Angkor Vat, la jungle a englouti la totalité des temples et bâtiments.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle des explorateurs ont redécouvert les sites et depuis le début du XXe des équipes d’archéologues les ont patiemment réhabilités.

J’ai visité les temples d’Angkor quatre fois durant les dix-huit ans que nous sommes venus au Cambodge. Ils n’ont rient perdu de leur grandeur et de leur splendeur, par contre je n’y retrouve plus l’ambiance mythique et spirituelle: il y a trop de touristes. Quatre millions par année.

Je ne vais pas vous ennuyer avec l'histoire des centaines de temples, des rois-dieux, Yayavarman, Suryavarman et les autres. Si vous avez envie de savoir plus sur l'histoire de l'époque et sur l'architecture vous trouvez plein de pages sur le web.

Angkor Vat, le plus grand des temple, est l'un des sites religieux les plus grands du monde. Il est entouré de douves d'une taille qui ferait pâlir tout château européen.

fullsizeoutput_39b9

fullsizeoutput_3f6a

fullsizeoutput_39c6

fullsizeoutput_3f5d

fullsizeoutput_3994

fullsizeoutput_399e

fullsizeoutput_399d

Bayon reflète l'égo de son bâtisseur, le roi Yayavarman: 54 tours avec 216 têtes qui ressemblent - paraît-il - à son effigie au sourire énigmatique.fullsizeoutput_3f99

fullsizeoutput_3f98

fullsizeoutput_3f93

Ta Prohm est envoûtant par le fait qu'il nous montre l'état dans lequel les temples étaient lors de leur découverte après leur temps passé aux oubliettes: il démontre la force de la nature qui avait repris ses droits en engloutissant les oeuvres humaines.fullsizeoutput_3aa4

fullsizeoutput_3f96

fullsizeoutput_3a9f

Et pour finir Banteay Srei, le temple des dames, un petit joyaux de délicatesse et de finesse. Il faut une heure en tuk-tuk pour l'atteindre. Contrairement aux autres on a utilisé une pierre rouge pour sa construction.

fullsizeoutput_3aab

fullsizeoutput_3aae

fullsizeoutput_3ab8

fullsizeoutput_3abf

fullsizeoutput_3ac5

fullsizeoutput_3acf

fullsizeoutput_3ab4

 

 

 

L'Île au Lapin

Koh Tonsay, l'île au lapin. Il est dit que les indigènes lui ont trouvé la forme d'un lapin - voilà ce qu'une bonne dose de bière Angkor ou autre peut faire....

L'île est petite et bien boisée, avec en son centre une colline, entourée d'un beau ruban de plages de sable. La plus longue fait 400 mètres. Elle se situe face au coucher du soleil. Longée de plateformes en bois dont le toit de feuilles de palmiers abrite les hamacs. Dans les petites gargotes on mange aussi bien les rouleaux de printemps que les fruits de mer. Les jus de fruits frais, mangue, limette, pastèque, fruit de la passion sont délicieux.Tout est resté simple depuis qu'on l'a visitée la dernière fois il y a treize ans. Les gargotes sont plus nombreuses et des chaise-longues et transats sont venus s'ajouter.

Les gens de Kep et les touristes aiment venir ici et profiter du calme et de la mer qui ondule gentiment en cette matinée. La baignade dans l'eau chaude et peu profonde est un vrai plaisir.

fullsizeoutput_3d97Départ de Kep. Les bateaux sont un peu plus grands que dans le passé et couverts. La traversée prend trente minutes.

fullsizeoutput_3f52Nous ne sommes que les deux sur notre barque. Au font la silhouette de l'Île au Lapin.

fullsizeoutput_3f59L'arrivée sur l'île.

fullsizeoutput_3f53La balade dans le sable.

fullsizeoutput_3f54

fullsizeoutput_3f55

 

fullsizeoutput_3f5aDolce farniente locale.

fullsizeoutput_3f5b

fullsizeoutput_3f51Un plus grand bateau attend ses clients.

fullsizeoutput_3f5cLe bateau de pêche attend le soir pour reprendre le travail.

fullsizeoutput_3f58Et le nôtre est prêt pour le retour.

fullsizeoutput_3dd7Arrivé au ponton de Kep..

Une histoire poivrée

La route rouge et poussiéreuse nous fait traverser de petits villages aux maisons sur pilotis disséminées autour d'une petite pagode, de rizières et de champs de canne à sucre. Notre tuk-tuk longe un grand plan d’eau, le Lac Secret qui n’a rien de secret et passe devant plusieurs tombeaux chinois.

fullsizeoutput_3b56Tuk-tuk-tuk-tuk

fullsizeoutput_3b2bLe riz est presque mûr, la récolte se fera en novembre, au Cambodge il n'y a qu'une seule récolte par année car il manque un système d'irrigation efficace durant la saison sèche.

fullsizeoutput_3b58Un tombeau chinois gardé par une vache.

fullsizeoutput_3cf3Le Lac Secret

fullsizeoutput_3d45La route rouge, mon amie Caterina et notre tuk-tuk

Arrivées à la plantation de poivre, nous sommes assoiffées et heureuses de siroter l’eau de coco à l’aide d’une paille introduite directement au cœur de la noix de coco verte et fraîche. Chaque noix de coco contient environ un demi-litre de ce délicieux liquide, parfumé et désaltérant, qu'il ne faut pas confondre avec le lait de coco produit de la chair.

Ensuite nous sommes prêtes à écouter les explications sur le poivre, cette épice bien connue depuis l’Antiquité.

Originaire de la forêt du Kerala, au sud de l’Inde, la plante s'est répandue dans les autres régions tropicales du monde. En botanique le poivre appartient à la famille des pipéracées et le nom scientifique est Piper Nigrum. C’est une liane vivace et grimpante qui nécessite un arbre comme support ou un poteau, afin de croître en hauteur. Le poivrier commence à produire des baies rondes à partir de la 3ème ou 4ème année de plantation. La baie de poivre se présente en grappes, les grains mesurent environ 5 mm de diamêtre.

Le poivre de Kampot  doit sa saveur particulière à son terroir propice et à une production exclusivement biologique.

La culture du poivre au Cambodge est relativement ancienne. On en retrouve des traces dans le XIIème siècle lorsque l’Empire Khmer s’étendait sur une grande partie de l’Asie du Sud-Est.

Les plantations dans la région de Kampot et de Kep se sont développées à la fin du XIXème siècle.  Après une rapide croissance favorisée par les autorités coloniales françaises,  la production a stagné, essentiellement à cause de l'inconstance de la politique du protectorat qui a tenté de limiter l'exportation à la métropole.

La plus grande menace est intervenue en 1975, lorsque le pays a basculé dans la terreur khmère rouge.  Les terrains étaient alors reconvertis en rizières et il s'en est fallu de peu que la culture poivrière ne disparaisse. Néanmoins, grâce à l'obstination de quelques familles d'anciens planteurs, le poivre cambodgien retrouve peu à peu ses lettres de noblesse.

À présent, grâce à l'aide de coopératives, d'un séchage et d'un tri des grains de qualité, il reconquiert sa réputation.

C'est le premier produit agricole cambodgien à recevoir une IGP (indication géographique protégée), qui lui a été délivrée en 2010. Cette indication géographique lui permet de bénéficier d’un label protégé dans les pays reconnaissant cette indication, l'Union européenne notamment. Cette décision et les efforts locaux devraient permettre une renaissance de sa culture.

Sous le nom protégé « Poivre de Kampot » le poivre d'ici se place parmi les meilleurs du monde. En 2017 la production  du véritable poivre de Kampot devrait atteindre 100 tonnes.

fullsizeoutput_3b47Les grappes du jeune poivre vert.

fullsizeoutput_3b49Les lianes du poivre s'attachent autour de tuteurs et peuvent atteindre quatre mètres de hauteur.

fullsizeoutput_3cf7Chaque champ de poivre est entouré d'une protection de feuilles de palmiers. Au premier plan des jeunes pousses de durian, ce gros fruit à piquants au parfum nauséabond mais plein de vitamines.

fullsizeoutput_3cf8Premiers achats, ce n'est pas tout. Je veux des réserves de poivre de Kampot pour les années à venir....

Les variétés de poivre

Les baies de poivre sont toutes issues de la même plante mais cueillies ou traitées à différents stades de maturité. Comme le vin, un bon poivre ne doit pas se mélanger (il n’est pas concevable de verser du vin rouge et blanc dans le même verre).

Le vert. La récolte du poivre vert débute à partir du mois d’octobre, lorsqu’il est encore jeune et tendre. Lors d’une cueillette en décembre juste avant maturité, il possède un goût épicé plus prononcé. Récolté jeune sur la liane, ses arômes explosent littéralement en bouche du fait d’un piquant peu prononcé.

Le noir. Le poivre noir n’est autre que du poivre vert qui une fois arraché devient noir par un procédé d’oxydation naturelle. Il a cependant eu le temps de développer des arômes forts et délicats. Son goût très intense et doux à la fois révèle des notes fleuries d’eucalyptus et de menthe fraîche.

Le rouge. Le poivre auquel on a laissé le temps de prendre en maturité (et dans des conditions d'ensoleillement suffisant) prend une couleur rouge, il est alors cueilli en mars à la main et mis à sécher huit jours. Les arômes du fruit viennent enrober le piquant du poivre et amener des saveurs qui se marient très bien à la viande rouge.

Le blanc. Le poivre blanc est en réalité des grains de poivre rouge séché auxquels on retire la peau  (à la main!) pour faire apparaître le cœur blanc. Son côté piquant relève les salades et les fruits de mer.

Et le prix?

En bouche il évoque la guimauve et la puissance se développe longuement. Son prix de vente en Suisse vacille entre 180 et 250 CHF le kilo. Chez le producteur à Kep le kilo coûte à présent entre CHF 30 et 50.

Publicité trouvée sur un site Suisse:  "Un poivre très élégant avec des notes sucrées, envoûtantes, légèrement florales".

Je suis entièrement d'accord. Rien ne vaut le poivre de Kampot!

Personne ne vient à Kep pour trois mois! Sauf nous!

Les murs affichent des traces noires de feu, d’humidité et de décrépitude. Ils se dressent en désolation. Ces coquilles vides n’ont plus de toit depuis plus de quarante ans et les trous béants des fenêtres accusent l’histoire d’un passé violent. Deux colonnes solitaires raccourcies et abîmées témoignent d’un style colonial. Le tout laissé à l’abandon entouré de verdure sauvage. Un mur en pierre presque en bon état encercle la propriété. Propriété de qui ?

Il y a encore à Kep quelques-uns de ces vestiges du début du vingtième siècle quand l’élite française aimait venir se ressourcer ici, dans ce haut lieu de soleil, fruits de mer et crabes, de casinos et de couchers de soleil fabuleux. La romance de cette villégiature mondaine a été poursuivie par la classe supérieure cambodgienne jusque dans les années soixante.

La fin est arrivée brutalement avec l’avènement des Khmers Rouges qui ont entièrement dévasté et détruit toutes ces demeures empreintes de luxe, de richesse et d’une vie trop légère à leur goût.

Beaucoup de ces ruines ont disparu au cours des années. Elles ont laissé la place à des terrains vagues qui gisent entre de vieux murs d’enceinte. Pendant longtemps Kep a dormi, abandonnée telle la belle au bois dormant. Sa cote reprend. De plus en plus de nouvelles villas coquettes, élégantes ou kitsch aux vitres bleutées, aux coursives à colonnades et aux jardins soignés font leur apparition. La bourgeoisie khmère est de retour.

La commune est très vaste. Depuis quelques années elle a été sortie de la gouvernance de Kampot pour former une province indépendante. De larges autoroutes sillonnent cette partie de la côte, des bâtiments officiels et fiers de l’être s’érigent un peu partout. Ministère du commerce, ministère des finances ou de l’environnement, de la police ou de l’éducation.

Néanmoins, Kep, au profile d’une bourgade reste un lieu de calme et surtout sans vie nocturne aucune. Un petit malin avait essayé d’ouvrir un club, le « Happy Kep » il y a quelques années. Il est toujours là mais fermé. Il n’y avait pas de demande….

Au fil du temps la mer a avalé les plages, une belle bande de sable blond et fin a été aménagé artificiellement au milieu du village. Les baigneurs s’y prélassent. Tout le long de la côte s’alignent des plateformes en bois sous un toit de feuilles de palmiers avec des hamacs où les Cambodgiens aiment venir se reposer, boire et manger. Les bateaux de pêcheurs partent tous les jours en mer et ramènent du poisson, des fruits de mer et surtout des crabes, la spécialité et l’emblème de Kep. Adossé au marché aux crabes qui grouille de monde on a le choix entre une vingtaine de petits restaurants pour assouvir son envie de crabe. Ils surplombent la mer et sont étroits comme un krama, ce fameux foulard khmer.

Kep a un club de voile, une belle pagode sur la colline et une mosquée, un marché à deux kilomètres du centre et un petit musée je crois. Et un peu partout des sculptures : Un crabe pour la bienvenue, Vishnu, une dame blanche, un cheval blanc et d’autres encore.

La ville est entourée de salines, de rizières et de plantations de poivre, cette épice mondialement connue qui est la fierté des provinces de Kampot et de Kep et qui doit sa saveur particulière à son terroir et à sa production bio.

A quelques kilomètres seulement on entre dans le parc national avec ses forêts, petits lacs, rivières, grottes et cascades.

Et pour la belle baignade, il y a la petite île du Lapin au large, à une demi-heure de bateau. Nous sommes ici depuis quatre semaines mais ne l’avons pas encore foulée. Dès que la pluie prendra une pause nous allons redécouvrir ses plages de rêve que nous avons connues avec Nina, Alex et Zoé il y a 14 ans. Ce sera le sujet d’un autre article.IMG_4296

Vestiges d'un passé glorieux.

fullsizeoutput_37f1

Le présent à l'honneur: le gouvernement de la province de Kep.

fullsizeoutput_394b

Une touche de propagande.

Le marché aux crabes.

fullsizeoutput_3947

Détente dans un hamac le long des quais.

fullsizeoutput_393f

Offrandes dans la petite pagode.

fullsizeoutput_3941

Un peu de shopping au bord de la route? Une robe à froufrous? Des lunettes des soleil?

fullsizeoutput_3950

Pas aujourd'hui.... on continue!

fullsizeoutput_3737

Observons la mer!

fullsizeoutput_3949

On a fait plusieurs tours dans les salines de Kep mais jamais vu personne au travail!

fullsizeoutput_3940

La Dame Blanche est nue, les baigneurs vont plutôt habillés dans l'eau.

fullsizeoutput_393d

Bienvenue à Kep!

Parlons travail

C’est le moment de vous raconter un peu notre travail. Tandis que la plupart des bénévoles sont actifs dans l’humanitaire ici au Cambodge, nous travaillons dans l’industrie. Chip Mong Insee est une usine de ciment. Ils puisent le calcaire dans une chaîne de montagnes au nord de Kampot. Le groupe s’est donné des règles éthiques et a créé des centaines de places de travail. La sécurité, le salaire juste, la responsabilité sociale et le respect de l’environnement sont quelques-unes de leurs valeurs.

Le site comprend une base vie pour les employés qui ne viennent pas tous des villages alentours. Ceux-ci sont logés dans de jolis appartements qui seront entourés de verdure une fois que la végétation aura grandi.

Edgard s’occupe à observer le côté hôtelier qui va avec et aussi de la cantine de l’entreprise afin de rendre le service efficace et agréable. Et il y a beaucoup à faire. L’équipement n’est pas partout professionnel et le personnel a encore des choses à apprendre. Nos personnes de contact sont principalement des khmers et la communication n’est pas toujours aisée. Mais on se débrouille. Soksabai-te!

Nous sommes logés à 35 km du site, dans un beau lodge au bord de la mer, dont je vous ai déjà parlé il y a quelques semaines. Une voiture avec chauffeur vient nous chercher le matin – un jour sur deux environ. Le travail sur place nous prend quelque deux à quatre heures, suivi de quelques heures pour formuler les observations, les évaluer, poser les priorités et proposer des solutions aux divers problèmes.

Une grande partie de l’équipement est problématique. Il s’agit de matériel chinois qui ne tient pas la route. Il faut savoir que sous le climat chaud et humide le matériel souffre plus que chez nous. Les appareils sont relativement neufs et déjà pleins de dépôts de calcaire, les robinets branlent, les plateaux du self-service de la cantine n’ont pas les bonnes mesures pour les mettre dans les chariots, le gel de chauffage pour les réchauds fait défaut. Le service au restaurant laisse à désirer, il n’y a même pas de cartes de menus. Il n’y a pas de trolleys pour les femmes de chambre, la buanderie est improvisée…

C’est dire qu’il y a du boulot sur la planche et entretemps nous sommes persuadés que trois mois ne seront pas de trop.. surtout avec une journée de congé sur deux!

fullsizeoutput_3902

L'usine  de ciment qui fournira le marché cambodgien sera opérationnelle vers la fin de l'année. Pour l'instant tout est au stade des essais. Le nombre de nouvelles constructions à Phnom Penh est hallucinant.

fullsizeoutput_3783

Dans la cantine, l'alimentation est riche et équilibré. Une soupe, deux plats de viande et légumes, des kilos de riz, un dessert. Deux dollars le plat complet, dont un est payé par l'entreprise. Nous allons plaider pour la gratuité.

IMG_4660

IMG_4650

Les logements sur deux étages.

fullsizeoutput_390d

La buanderie

IMG_4663

Edgard prend les mesures en vue d'une meilleure organisation.

Hôtel des hirondelles

Le petite ville de Kep est connue pour son bord de mer, ses crabes, son poivre et ses salines. Les guesthouses, lodges, hôtels et bungalows se multiplient. La dernière nouveauté: l'hôtel des hirondelles.

Depuis la jetée du Samanea, sous un ciel très orageux, j'aperçois un drôle de bâtiment sur la berge toute proche. Un hangar en béton carré, laid, plutôt haut, sans fenêtres, juste quelques trous sous le toit. Un bunker? Une prison ? Non, un élevage d’hirondelles. En s'approchant on entend le chant des oiseaux. Diffusé par haut-parleurs il attire les copains, les copines. On ne peut évidemment pas visiter l'immeuble, le site est gardé. Mais j'imagine les effluves de fiente à l'intérieur.

Ici les hirondelles, plus précisément les martinets, ne sont pas élévés pour leur chair mais pour leurs nids, revendus au marchés de Hong Kong et de Chine où les gastronomes les achètent à prix d’or. Le kilo se négocie entre 5000 et 6000 Euros.

Autrefois récoltés dans les grottes et le long de falaises, il y a de plus en plus de "nids de maison" dans les pays du Sud-Est asiatique. Plusieurs de ces nichoirs ont poussé ces dernières années autour de la petite ville de Kep, pour que les hirondelles qui aiment le climat salin y construisent leurs précieux nids faits de bave solidifiée.

Les martinets ont la particularité de posséder des glandes salivaires très développées qui sécrètent une salive épaisse et visqueuse. C'est cette salive qui sert de matériau de construction aux fameux nids. Ces nids sont entièrement comestibles après avoir été nettoyés.

En Chine, ce "caviar de l'Orient", est souvent proposé sous forme de soupe, à plusieurs centaines d'euros le bol. On lui prête d’innombrables vertus pour les femmes, les hommes, les enfants et les vieux: rajeunissement de la peau, bienfaits pour les femmes enceintes, il serait bénéfique pour les poumons et stimulant pour le coeur, renforcerait le système immunitaire et le renouvellement cellulaire. Sans parler de toute une palette de produits cosmétiques.

Les études nutritionnelles montrent que la salive des hirondelles est surtout riche en protéines.

fullsizeoutput_37d3

fullsizeoutput_37a1

fullsizeoutput_37d6fullsizeoutput_37d8Un autre modèle au milieu des rizières. Lors de nos escapades à moto nous en avons déjà déniché quatre!fullsizeoutput_3802

Sunset, Selfies, Amok

Ciel de braise et de velours. Les flammes orange lèchent les vagues. Kep s’enorgueille d’avoir le plus beau coucher de soleil de la côte cambodgienne. Après une journée chaude la légère brise est la bienvenue et rafraichit le corps et l’esprit. Il n’y a pas beaucoup de monde sur la terrasse du Samanea. Une jeune femme gracieuse aux traits fins et aux allures de fille khmère aisée est accompagnée d’un homme bien plus âgé aux sourcils brousailleux. Elle s’assied face au coucher du soleil et face à son compagnon. Mais ne regarde ni l’un ni l’autre. Elle commande un Coca Cola, lui une eau minérale avec beaucoup de glaçons. Il se penche sur le menu. Elle ne l’ouvre même pas. Elle ajuste son rouge à lèvres devant l’écran du téléphone qui lui sert de miroir.

Clic. Symbolique car il n’y en a pas. Prise de vue.

Bouche boudeuse. Clic

Surtout pas un sourire. Clic

Lèvres demi-ouvertes, sensuelles. Clic

Sa main ramène ses longs cheveux noirs de la nuque sur son épaule gauche et les lisse avec une série de mouvements saccadés. Clic.

Elle pose son Samsung ou Galaxy pour siroter son Coca à deux pailles. Son compagnon lui dit quelque mots. Elle hoche la tête et reprend contact avec son ami android.

Regard vers la droite. Clic

Regard vers la gauche, la tête légèrement penchée en arrière. Clic

Elle tire une mèche devantles yeux. Clic

La repousse derrière l’oreille, trois fois de suite. Clic

Le garçon amène les plats. Une fabuleuse spécialité khmère, l’Amok Trei, poisson au lait de coco et é la citronnelle cuit à la vapeur, imprégnés des saveurs subtiles de citronnelle et de galanga, relevé par le parfum du basilic thaï, de la coriandre et de la chaleur piquante du piment.

La jeune femme pose son écran debout devant le verre de Coca et pique ses bâtonnets dans la jolie papillote en feuille de bananier. Sans grand enthousiasme. Elle continue à se regarder. Ou serait-elle en train de se filmer ?

           Narcisisme moderne. Le spectacle pourrait d’ailleurs se passer dans n’importe quel autre pays.

Quel gâchis. Demain soir je prendrai un Amok.

 

IMG_1650

fullsizeoutput_36c5